6 chemin du lavoir
61430 Athis de l’Orne
02 33 65 70 38
Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 19h
Après avoir eu le plaisir de parcourir leur fabuleux jardin, Benoit et Dominique m’ont cordialement reçu pour m’en dire plus sur leur création et les engagements qui leur tiennent à cœur. Pendant que Dominique est occupée au jardin, elle nous rejoindra un peu plus tard, Benoit me raconte le jardin.
J’ai commencé par des études d’architecte d’intérieur pour changer plus ou moins de direction à l’âge de trente trois ans et devenir plasticien, ma principale activité. Je travaille beaucoup in situ par rapport à des lieux, que ce soit en extérieur ou en intérieur. Et puis avec Dominique, nous nous sommes intéressés à la plante, au jardin en l’occurrence, en arrivant ici.
Nous avons acheté en 1997 un bout de terrain de trois mille mètres carrés, dans un premier temps nous avons commencé par construire la maison, nous avons réellement débuté le jardin en 2000. Nous ne connaissions vraiment rien du tout à la plante, nous nous sommes intéressés dans un premier temps aux espèces indigènes, c’est à dire aux espèces de la région : les fougères, les aulnes, des conifères et puis petit à petit nous avons introduit des espèces un peu plus intéressantes voire même des collections comme la collection de fougères que l’on a actuellement qui comprend environ cent trente cinq variétés.
Voilà, c’est un jardin qui s’est fait vraiment progressivement parce qu’au départ il était pour nous, nous avons travaillé petit à petit par zones et puis nous nous sommes pris au jeu et chaque année nous avons créé un nouvel espace. On avance comme cela. Nous sommes sur l’ancienne décharge d’Athis de l’Orne qui a fermé dans les années 70, donc en-dessous il y a toujours des tas de choses désagréables, du verre, de la ferraille, des pots cassés, des chaussures, des os … Nous avons ramené cinq cent mètres cubes de terre pour cacher un peu toute cette misère et cela a surtout permis de tout paysager, de créer des trous et des bosses, c’était un terrain relativement plat avec une légère déclivité donc nous l’avons modelé avec toute cette terre petit à petit surtout à la brouette d’ailleurs. Par contre nous avons eu la chance sur ce terrain d’avoir des sources, c’est vraiment un avantage qui nous a permis de construire des bassins naturels.
Le jardin s’est construit autour de ces bassins en trois temps, dans un premier temps autour du petit bassin ensuite le grand bassin et le bassin du fond en 2006-2007. Deux bassins sont réservés pour la faune locale, nous avons trois sortes de tritons, l’Alpestre, le Marbré et le Palmé avec les Grenouilles rousses et les couleuvres. Puis celui que nous appelons le bassin exotique dans lequel il y a des Carpes koï et des tortues uniquement car elles mangent tout, nous souhaitions ce bassin un peu plus ludique avec les tortues. Autour du bassin du fond, ce sont essentiellement des essences locales, le nénuphar jaune c’est le Lutea de notre région, il y a également la Ligule, le Sagittaire… Nous n’avons pas voulu mettre un nénuphar rouge, blanc ou le Lotus parce que c’est très beau mais il faut savoir s’arrêter, ne pas en mettre trop. Savoir s’arrêter, en tant qu’artiste aussi je connais bien le problème. C’est la complexité mais il faut savoir se tromper et profiter des erreurs, on crée avec ses erreurs.
Puis nous avons mis en place une circulation, tous les vingt pas il y a toujours un croisement ce qui va créer des perspectives, des petits croisements qui s’appellent des ronds points (le mot rond point vient du XVIIème et était uniquement employé dans les jardins, il a été repris au XXème par les urbanistes). Ce sont des petits ronds points sans ronds au milieu, des croisements de chemins, on avance et on a une découverte d’un autre lieu, d’une autre perspective et c’est ce qui va créer un peu le côté dépaysement toujours entouré d’un maximum de végétal.
Nous avons essayé de le construire également toujours à 360° comme si nous étions au centre d’une sculpture et non autour parce que le sculpteur lui, travaille toujours autour et là sommes dedans, nous avons pu le faire parce que c’est un petit jardin. On nous dit souvent, on se croirait en Asie, d’une part par la présence de l’eau, le minéral et le bambou, et puis par la conception, nous sommes vraiment à la limite un peu comme un arbre de vie du lâcher prise et de la rigueur, nous sommes réellement sur cette frontière, sauvage, radical, pas trop en faire, pas trop laisser aller les choses. Nous essayons de nous maintenir à cette frontière mais naturellement chacun a sa frontière. C’est un peu l’esprit du jardin, nous y associons des œuvres qui étaient auparavant dans d’autres lieux, je les ai replacée au jardin, il n’y en a pas énormément et j’ai voulu les intégrer car c’est avant tout un travail sur le jardin. Pour nous chaque année il y a plein de choses à reprendre ou à rajouter, pour moi c’est vraiment une deuxième activité voire une première l’été.
Il a été ouvert au public en 2011 car il faut bien une dizaine d’année pour arriver à faire un jardin surtout qu’il n’y avait rien du tout sauf la haie bocagère au fond qui est très importante, qui va donner l’ossature du jardin et puis une haie avec des essences de la régions, des noisetiers, des frênes, des hêtres, des merisiers.
Nous avons aussi travaillé d’où le nom «Intérieurs à ciel ouvert » par zones et pour les sols, nous avons à peu près une dizaine de sols différents, toujours des matériaux pauvres, le bois non traité évidemment que l’on a en scierie, les ardoises, du schiste, la terre battue, le sable, on a un tout petit peu de pelouse, du gros tout venant, des petits graviers et des dalles bétons que l’on a mises en place. Cette diversité de sols est très importante, un peu comme dans un intérieur. Nous sommes allés en Asie pour la première fois il y a deux ou trois ans, en Corée pour un travail et là-bas il n’y a pas de pelouses, ils font autrement, c’est beaucoup plus sauvage, ils laissent faire les choses beaucoup plus que chez nous et j’ai trouvé ça très bien.
Nous avons quand même gardé dix mètres carrés de pelouse, d’herbe plutôt car elle est un peu envahie de trèfles et d’un tas de chose. Dans le jardin il y a très peu de mauvaises herbes parce que depuis le temps qu’on les enlève on va finir par en venir à bout ! Et aussi dans la mesure où on l’entretient tous les jours et grâce aux sols aussi, graviers … qui empêchent la pousse.
La matinée est consacrée à l’entretien, d’abord pour les visiteurs, il faut à peu près une heure et demie pour nettoyer les allées, et ensuite c’est de la taille, empêcher qu’une plante prenne de la place sur une autre, ce qui est intéressant car c’est de la taille douce au sécateur. Le nettoyage c’est un peu répétitif, il faut nettoyer les allées tous les jours car les feuilles tombent, les aulnes et les saules que l’on a planté au départ, c’est une horreur. Par contre nous avons des arbres comme les Ginkgo Biloba qui perdent leurs feuilles en automne bien sûr mais sinon ils ne bougent pas. Mais c’est ce qui donne le côté un peu sauvage d’avoir mis des essences locales car nous n’aurions pas pu mettre que des Ginkgo.
Vous êtes-vous inspirés d’autres jardin ?
Nous avons visité beaucoup de jardins mais sans vraiment nous en inspirer, nous aimons bien les jardins qui ressemblent au nôtre mais aussi les jardins avec de l’eau, j’aime autant des beaux jardins à la française ou à l’anglaise, il y a toujours des choses intéressantes, des belles choses à voir dans un jardin, ils sont tous différents. Nous sommes partis de ce que nous avions, nous n’avions aucune connaissance de la plante, par contre nous nous sommes inspirés des plantes qui nous plaisaient dans les jardins et ensuite nous avons fait des foires aux plantes et puis on apprend à connaitre la plante en la plantant. On fait des essais et on en perd beaucoup également.
Sauf pour notre collection de fougères, nous avons des plantes assez simples que l’on voit un peu partout. Nous avons plusieurs variétés de bambous environ une vingtaine mais ils se ressemblent tellement que l’on a l’impression d’avoir une seule plante sauf le Bambou Géant qui est un peu différent et le Sasa Palmata que l’on appelle le nid. La problématique de ce bambou est qu’il s’affale complètement sur les chemins donc cela cassait tout, et là au lieu de le tailler, nous l’avons redressé, encordé et remonté pour faire une sorte de cabane.
J’ai eu un petit coup de cœur pour le potager
Le petit potager qui est bien sympathique, c’est plutôt Dominique, pas de grosse production mais beaucoup d’aromatiques avec la collection de menthes, une trentaine de menthes, nous avons aussi des plantes que l’on ne voit pas habituellement comme une plante médicinale qui soigne les bronchites le Baume de Galaad, nous avons voulu introduire des plantes aromatiques comme cela. Le potager avec des dahlias aussi qui vont donner de la couleur dans cette partie du jardin plus colorée avec les grands miroirs rouges. Nous sommes plutôt sur une couleur locale avec des ponctuations qui vont naître suivant les saisons.
Voilà ce que je pouvais vous dire sur la conception, nous l’avons fait petit à petit car il faut du temps, en tant que plasticien, je travaille à la maison donc j’ai un peu plus de temps, j’étais plus disponible les dix premières années, et d’autre part, il faut un budget pour un jardin, c’est pour cela que nous avons beaucoup travaillé avec des matériaux pauvres et tout fait par nous- mêmes. Chaque année nous avons avancé, pour faire un beau jardin il faut une certaine somme et surtout faire des choix de vie.
Nous avons demandé le label «Jardins remarquables», la commission viendra l’an prochain et nous aurons la réponse en 2020, c’est un label important qui donne davantage de visibilité. Il y en a cinq cent en France.
Voici Dominique qui rentre du jardin, elle a aussi beaucoup de choses à me dire, sur un sujet un peu différent certes mais qui parle toujours de créations et d’initiatives heureuses. Grâce à elle, je découvre ce qu’est VAertigo qui sera l’objet d’un prochain article.