Concours de plaidoiries des lycéens

Un rendez-vous incontournable chaque année au Mémorial de Caen

Concours de plaidoiries des lycéens

Les concours de plaidoiries pour les droits de l’homme.

27-28-29 Janvier 2017

Au Mémorial de Caen

http://www.memorial-caen.fr

Comme chaque année à la même période, le Mémorial de Caen organise le concours de plaidoiries pour les droits de l’homme. Pendant trois jours, des lycéens , des élèves avocats et des avocats vont défendre une cause qui leur tient à cœur. La première journée, consacrée aux lycéens, nous intéresse plus particulièrement, c’ est celle que nous tenons à mettre en avant. C’est pour nous un rendez-vous incontournable, chaque année depuis vingt ans, dans ce lieu ô combien symbolique qu’est le Mémorial de Caen.

En présence d’un jury composé de personnalités engagées dans la défense des droits de l’homme, de représentants de l’éducation nationale, de journalistes et de lycéens, ce concours se déroule devant deux mille  personnes et récompense les qualités oratoires et la force argumentaire des candidats. Un jury, dont le président cette année est monsieur Thierry Baudet président de la MGEN.

C’est réconfortant et porteur d’espoir d’entendre ces jeunes s’indigner, s’enthousiasmer, ces jeunes qui  ont le courage de se révolter,  qui osent  interpeler, encourager à ne pas détourner le regard, ces jeunes qui s’engagent  dans des combats et qui les revendiquent… 

Un avocat présent dans le jury, ancien membre du collectif de rap français Mafia Trece, maître Serge Money leur délivre un message et les exhorte à Croire en leurs  rêves. « Rap et avocat, il y a une vraie continuité. L’envie de prendre la parole, de dire les mots et les maux » », dit-il aujourd’hui. « Dans les deux cas, on devient un porte-voix, pour mettre en avant la réalité des autres. Il n’y a rien de plus beau que d’être en capacité de prendre la parole pour les autres. »

Une très belle élocution et un contenu très intéressant  dans cette plaidoirie proposée par Paul Lambert et Gabrielle Campos du lycée La Fourragère de Marseille, sur une cause toujours d’actualité aux USA et combien présente en France en ce moment !

La différence, un crime ! Aux États-Unis, nous entendons fréquemment parler de violences policières. Cette expression, « violence policière », est assez étrange, paradoxale, choquante. En effet, parler de violence pour qualifier l’action policière, est-ce bien normal ? La police n’est-elle pas censée protéger les citoyens, et non les brutaliser ?

Valentin Portes, du lycée La Trinité à Béziers, dans une plaidoirie sobre et efficace nous éclaire sur ce pays mal connu l’État d’Érythrée et sa dictature.

Pourquoi « ils » arrivent ? À cause d’un homme. Issayas Afewerki, héros de la révolution, aujourd’hui devenu le dirigeant tyrannique et autoproclamé de ce pays, qui est l’un des plus violents et répressifs au monde […] En Érythrée, il n’y a ni pétrole ni menace nucléaire…  Alors bien sûr, il n’y a aucun intérêt à se pencher sur cette situation, c’est une dictature invisible… Coupable de crimes contre l’humanité, Issayas Afewerki ne devrait-il pas être jugé par la Cour pénale internationale de La Haye ? Je le demande. J’appelle à sa condamnation ainsi qu’à un éveil des consciences afin de dénoncer cette tragédie humaine.

Car comme le dit Albert Camus : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. »  Alors ensemble, nommons-le, allégeons le malheur de ce monde. Agissons. Car maintenant vous savez pourquoi  « ils » arrivent.

Au nom de quelles croyances, a-t-on le droit de torturer physiquement et psychologiquement des femmes ? Un beau texte, une belle aisance, un sujet inattendu de la part d’un jeune homme, c’est une très belle plaidoirie de Lancine Komara du lycée français Albert Camus de Conakry(Guinée).            

À jamais marquées dans la chair et l’esprit. En Guinée, les destins de milliers de femmes basculent dans une indifférence nationale aussi douloureuse qu’inacceptable, comme ce fut le cas pour Binta. L’excision ou les mutilations génitales féminines sont des pratiques traditionnelles qui consistent à l’ablation d’organes génitaux féminins.[… ] Bien que représentant l’une des pires formes d’exercice de la cruauté, la pratique est très largement répandue en Guinée où 97% des filles et des femmes de 15 à 49 ans ont subi l’excision. Le pays occupe ainsi le deuxième rang au classement mondial en ce qui concerne le taux de prévalence en la matière.[…]

Aujourd’hui, l’excision touche une bonne vingtaine de pays de la planète. Eh oui ! Elle ne se limite pas qu’à la Guinée : tout un chacun de nous est concerné par le fléau. Même la France, l’une des plus grandes références mondiales en matière de liberté et de démocratie, est touchée : sur plus de 125 millions de femmes mutilées à travers le monde, on dénombre plus de 50000 française concernées. La pratique de l’excision a encore de beaux jours devant elle. Et si rien n’est fait, nous assisterons encore impuissants à la mutilation de millions d’autres filles.

Le général Mac Arthur disait que la défaite dans une guerre se résumait à deux mots : « Trop tard ! » Il faut donc agir ! Il faut changer les mentalités. J’en appelle aux mamans, aux futures mamans, aux autorités, à tout citoyen : il est temps de briser définitivement l’idée communément admise de la femme » impure » aux yeux de la société, pour qu’enfin celle-ci ne soit plus à jamais marquée dans la chair et l’esprit. Je vous remercie !

L’Europe terre d’asile et d’accueil ?  Une véritable question que soulève la plaidoirie brillante et originale de Albert Constant-Piot du lycée Joseph Loth à Pontivy, un jeune homme charismatique et convaincant.

Ne laissons pas la crise migratoire devenir une sempiternelle ritournelle. À dire vrai, j’ai la gorge nouée. J’ai regardé les annales de ce concours, et j’ai vu les thèmes précédents choisis par les candidats finalistes : le bafouement des droits des migrants fut pris l’an dernier, de même que l’année précédente, ainsi que dans l’édition 2014. Ce qui est terrible, c’est qu’il faille plaider, encore, après tant d’autres, cette cause, devant vous. Mais cette violation des droits les plus fondamentaux est trop criante pour la laisser tomber dans les limbes de l’indifférence. Les migrants sont des êtres humains, comme vous, comme moi.[…]

Depuis 2014, dix mille migrants sont morts en mer Méditerranée. Cette année, ils sont trois mille huit cent à s’être brisés contre les vagues méditerranéennes. Pietro Bartolo, médecin de l’île italienne de Lampedusa, les secourt inlassablement.[…] La photo d’Aylan Kurdi n’y a rien changé. Malgré ces abominations, l’Europe continue encore et toujours de sciemment laisser notre Charybde écrémer la masse de réfugiés.[…] De surcroît, lorsque les migrants réussissent à atteindre notre sol, cet eldorado illusoire, la promesse se fendille, laissant place à une réalité qui fait froid dans le dos.

Les réfugiés sont parqués dans des camps miasmatiques et insalubres, véritables lieux de drames sanitaires et humanitaires comme à Calais, dans l’ancienne « jungle » mais aussi à Paris, ou encore à Lesbos. Ils y vivent dans une terreur constante d’être renvoyés dans leur pays d’origine, ceints qu’ils sont de permanentes patrouilles de police.Vous comprenez, Mesdames et Messieurs, à quel point le contrôle des migrants est bien plus essentiel à nos dirigeants que leurs conditions de vie. La liste des droits violés, dans le cadre de la crise migratoire, est immense.[…]

L’année s’annonce dure pour leur cause. Les campagnes électorales, française puis allemande, verront sans nul doute des candidats démagogues faire de leur stigmatisation leurs fonds de commerce électoral. Récemment, une affiche du front national, s’adressant à des personnes en détresse sociale, concluait en disant que « malheureusement pour elles, elles ne sont pas des migrants »

Alors que moi, c’est tous les jours que je loue ma chance de n’être pas migrant. Il faut rappeler, plus que jamais, la dureté et l’injustice de leur sort. Car affirmer la vérité et défendre leur droit, n’est-ce pas là contrer la démagogie et, finalement, se battre pour nos idéaux démocratiques.

Adrien Clanché du lycée Margueritte de Verdun propose un sujet délicat au contenu intéressant sur l’homosexualité en Iran car dans ce pays on condamne à mort pour homosexualité.

Il n’y a pas d’homosexualité en Iran. Ils s’appelaient Makwa, Abdullah, Hassan… Ils étaient de jeunes adolescents ordinaires, de mon âge ou même un peu plus jeunes, mais ont en commun de faire partie de la longue liste des pendus lors des cinq dernières années pour le même motif : avoir commis un rapport sexuel consenti avec un autre garçon lorsqu’ils étaient mineurs. Il s’appelle Alireza Tajiki et le même sort lui est réservé.

« Il n’y a pas d’homosexuels en Iran ! » Tels sont les propos tenus le 24 septembre 2007, lors d’une conférence de presse à l’université de Columbia de New York par l’ancien président iranien.[…] L’islam considérant l’homosexualité comme un des pêchés les plus graves interdits par Dieu, l’hétérosexualité devient la seule orientation sexuelle de l’état.[…]

En faisant un détour par la littérature persane on se rend vite compte que l’homosexualité n’a pas toujours été taboue. Elle a même fait partie intégrante de la littérature iranienne. Le célèbre poète Saadi au XIIIe siècle évoquait notamment une relation explicite entre deux hommes.[…] Depuis la révolution islamique on estime qu’environ quatre mille homosexuels ont été exécutés. Trop de vies ont été arrachées sur la potence pour le seul crime d’avoir usé de la libre disposition de soi.

Corentin Luce du lycée Notre-Dame à Nevers, véritable tribun, dénonce les massacres à Alep et s’indigne sur l’inertie de la France face aux respects des droits de l’homme. Alep brûle, agissons ensemble.

Ô rage, Ô désespoir ; silence on tue Alep ! Guernica, Srebrenica, Grozny, Homs, Kobané… Cette liste non exhaustive, est celle des  cités martyres. Depuis quelques mois maintenant, une autre ville fête son entrée au pinacle de la souffrance : cette ville, c’est Alep.

Et pourtant, un jour, les syriens ont fait un rêve, un rêve immense : ils ont rêvé de liberté, ils ont rêvé de démocratie, ils ont rêvé de droits. Mars 2011 en a sonné le glas : les syriens vivent un cauchemar. Depuis cette date en effet, selon l’ONU, c’est plus de 320000 morts qu’il faut déplore.[…] Bachar el Assad, Vladimir Poutine assassinent sans limite.

Mais sur quel précédent peuvent-ils s’appuyer, pour officier aussi tranquillement ? Sur le massacre de Grozny, par exemple. Entre Grozny et Alep, deux points communs : une extermination infamante de civils, qui bafoue là encore les articles trois et cinq de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et une absence de réactions de l’occident. À Grozny, le silence a profité aux dictateurs exterminateurs, il leur profite à Alep, et il leur profitera toujours si rien ni personne ne vient le rompre.[…]

Mesdames et Messieurs, je le dis avec foi, je veux le croire, un jour le rêve deviendra réalité, un jour, un vent de liberté soufflera sur la Syrie, sur ce pays où Karam al-Masri et tous les autres ont tant souffert, ont souffert. Les syriens verseront sans doute encore leur tribut de sueur, de sang et de larmes. Le chemin sera long, le prix immense à payer. Mais ils ne lutteront pas en vain. Jean Biès disait : »Il n’y a pas de traversée du désert, seulement une marche vers l’oasis. »

Alors marchez, syriens, marchez et gardez courage, un jour vous ne serez plus seuls, un jour vous serez libres. Un jour…

Sur la difficulté d’être femme au Yemen. Léa de Greef et Audrey Bonnel du lycée Saint-Joseph du Loquidy à Nantes nous entrainent dans un réquisitoire sur le respect des droits des femmes absent de ce pays, plutôt synonyme de prison pour femmes.

Demi-femmes. Nous venons vous annoncer un heureux évènement.

Dans la province de Janad au Yémen, Asma naît. À l’heure où je vous parle, elle pousse son premier cri. Si dans d’autres pays la venue au monde d’une petite fille est synonyme de félicité et de fierté, la sienne se révèlera être bien loin de cette réalité. Asma ne le sait pas encore mais elle vivra les meilleurs moments de son existence dans l’insouciance enfantine.[…]

Alors qu’Asma ne sera qu’une adolescente, son père lui annoncera qu’au printemps de ses treize ans, elle sera mariée à un homme trois fois plus âgé qu’elle.[…] Mais Asma ne veut pas se marier, elle veut dessiner, étudier, travailler, elle veut vivre.[…]

C’est l’expérience qu’a vécu Nojoud en 2010 en se battant pour récupérer sa dignité au travers de sa demande de divorce. Elle fut la première jeune fille de ce monde yéménite à avoir osé élever la voix face à cette monstruosité légale alors qu’elle n’avait que dix ans. Elle est devenue le symbole de la volonté des femmes à vouloir décider de leur vie et à bouleverser les codes religieux. C’est elle qui a inspiré notre prise de parole. Son histoire fait écho à la déclaration de Ban Ki-Moon : »Laissons les filles être des filles et non des épouses. »

Notre premier combat est d’en parler, et nous écoutant, vous y avez déjà participé. Merci.

Parce que l’art est fondamental, parce qu’il est indispensable de connaitre son patrimoine culturel, c’est un sujet original proposé par Maxime Imbert du lycée Champagnat à Saint-Symphorien-sur-Coise.

Et si la Tour Eiffel se trouvait à Porto Novo ? Mesdames, Messieurs les jurés, Comme le dit Dostoïevski– et moi aussi je le crois : L’art c’est la mémoire immortelle. L’art c’est le trésor qui nous est transmis de nos ancêtres.[…] Et pourtant le Bénin, comme de nombreux pays, se trouve privé d’une importante partie de son patrimoine culturel. Ainsi, qu’en est-il des « récades » ?[…] Actuellement, le Bénin se trouve dans une position humiliante, contraint à réclamer à la France son dû, de réclamer une partie de son propre patrimoine, forgé par ces mains africaines, les mêmes qui ont bâti l’histoire nationale du Bénin. De cette histoire, l’art est un témoignage.[…]

Si vous n’en êtes pas persuadés, demandez-vous ce que vous ressentiriez si… la Tour Eiffel, emblème de la France et de son rayonnement culturel à l’international, se trouvait… à Porto-Novo ? Au Bénin ?

Emmèneriez-vous vos enfants à Porto-Novo pour admirer dans un musée béninois cet admirable tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple ?[…] Vous pourriez me dire que l’art n’est pas une priorité, qu’au Bénin près de 39% de la population n’a pas accès à l’eau potable, vous pourriez me dire que 29% des enfants ne sont pas scolarisés. Et vous auriez raison. C’est une absolue réalité.

Cependant, moi je suis persuadé que « l’art sauvera le monde. » Et qu’il faut, aux jeunes du Bénin comme aux jeunes de tous les pays, des racines pour avoir des ailes !

Ouvrons nos yeux, notre cœur, notre démocratie. Arrêtons de bafouer le droit d’asile.  Acceptons ces personnes riches de leur culture. Etienne Pauwels du lycée Alexandre Ribot à Saint Omer nous ouvre les yeux sur le droit d’asile, sur les conditions dans lesquelles nous recevons ces migrants, sur l’accueil que nous leur réservons.

L’exode de nos frères syriens. À ceux qui parmi nous penseraient qu’il s’agit de l’invasion migratoire, il n’en est rien.On compte soixante dix sept mille demandeurs d’asile pour l’année 2015.

La France est un des pays européens qui accueille le moins de réfugiés ! La France a pourtant déjà connu par le passé des vagues migratoires beaucoup plus importantes. Les espagnols, un demi-million lors de la guerre civile espagnole ! Les polonais, cinq cent mille au début du XXe siècle sont venus travailler en France alors que leur pays était pillé ! Les italiens, huit cent mille ! La France est-elle morte pour autant, a-t-elle succombé ?

Souvenons-nous aussi qu’à une époque ce sont nos mères, nos pères qui ont pris la route de l’exil. Eux aussi, civils impuissants face à la fureur de la guerre. Pour comprendre, demandons-leur quelle est la souffrance de quitter son chez-soi ![…]

« Une démocratie doit être une fraternité ; sinon, c’est une imposture ! » s’indignait Saint-Exupéry.

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Par Maryline Bart, Elisabeth Augeul, le .

Crédits

Mémorial de Caen