La Renaissance
La Renaissance
Rue de l’Hôtellerie
14120 Mondeville
0231356594
Katell Bidon, directrice, m’accueille pour me présenter la Renaissance, association et salle de spectacle à Mondeville, sur une cité ouvrière aux portes de Caen. Un lieu chargé d’histoire et au patrimoine industriel très riche.
L’association existe depuis 2005, l’année de réhabilitation du théâtre, sa particularité est d’avoir des adhérents (122 cette année) de tout milieu, de tout âge qui participent à la vitalité des projets, qui organisent parfois des évènements en lien avec les spectacles présentés. Ils sont également présent à l’accueil du public ou au montage éphémère des plateaux dans le festival de rue. C’est une structure de diffusion et d’aide à la création en Normandie, elle a pour mission de programmer des spectacles professionnels pluridisciplinaires tels que la danse, le théâtre, la musique, le cirque. Elle accueille des artistes en résidence afin d’aider et de soutenir la création régionale et mène des actions de sensibilisation en direction des associations et des établissements scolaires.
Nous sommes sur un site très spécifique, ancien site de la Société Métallurgique de Normandie, donc nous sommes dans le cinéma des cols blancs. Là nous sommes vraiment sur le quartier réservé aux cols blancs avec la salle des billards pour les cadres et nous sommes entourés de bâtiments qui étaient destinés aux cadres et aux ingénieurs, nous sommes entourés par les maisons des ouvriers et celle des cadres, nous sommes vraiment plongés au cœur de ce passé ouvrier.
Un peu d'histoire
À la fin des années 30, la Renaissance est construite par la Société Métallurgique de Normandie sur le site du Plateau. Elle a pour vocation de divertir les résidents du Plateau, essentiellement les salariés de la SMN.
Pendant la seconde guerre mondiale la Renaissance est partiellement détruite puis reconstruite après guerre avec un campanile sur l’avant-gauche du bâtiment.
Le cinéma est l’activité dominante, mais elle sert également de lieu de répétition et de répétition pour la troupe de comédiens de la Renaissance et l’Harmonie de la Société musicale normande. Le comité d’entreprise de la SMN y organise ses activités : arbres de Noël, billards, café des arcades… puis sert aux relations publiques de la SMN : réunions, visites d’usine, ateliers, stages.
En 1992, un an avant la fermeture de la SMN, la ville de Mondeville en fait l’acquisition. Elle sert tour à tour pour la restauration des écoles du plateau, pour les répétitions de l’école de musique et de danse avant sa réhabilitation en 2004 pour devenir la nouvelle Renaissance en 2005.
La Renaissance de nos jours
La programmation s’articule autour de trois temps forts, le premier temps fort qui débute la saison s’appelle « Super Monde » et chaque année, un coup de projecteur est fait sur une partie du monde ou un pays, cette année, c’était sur Afrique Regards Croisés avec des ponts entre les artistes français et des artistes d’Afrique du Nord et d‘Afrique centrale.
Ensuite, en janvier, nous avons un temps fort, assez particulier que l’on a monté depuis deux ans et qui a beaucoup d’échos parce que déjà il part de la société qui nous entoure, il amène le débat, pour un petit théâtre comme le notre, partir sur un projet aussi ambitieux c’est assez excitant. Cela s’appelle « À partir du réel« , là on met en lumière des metteurs en scène qui questionnent le réel et qui, à partir d’enquêtes de terrain, créent des pièces de théâtre ou des pièces de danse avec leur distance par rapport au réel. À partir du réel s’inscrit aussi dans cette démarche de parler du monde ouvrier, du monde du travail, c’est une démarche un peu militante de parler aussi de la société qui nous entoure. A l’issue de chaque représentation, le public rencontre les metteurs en scène, l’idée c’est vraiment qu’on discute, qu’on se rencontre et peu importe le métier, si on est à la retraite …. On a 50% du public qui est du plateau et de Mondeville, le reste de Caen et de l’agglo.
Le premier spectacle qui a eu lieu, Kamyon, l’histoire d’une petite fille qui quitte la Syrie et voyage clandestinement avec sa maman. Un camion est venu se poser devant la salle de la Renaissance, le public était invité à entrer dans le camion pour assister aux représentations. Des cours métrages étaient également projetés dans la salle en partenariat avec la maison de l’image et la maison de la recherche en sciences humaines qui a travaillé autour de ce sujet. Quinze chercheurs stagiaires ont réalisé quatre courts métrages sur le thème : trous de mémoire, regards contemporains sur l’émigration en Normandie pour la diffusion de films afin de créer une semaine autour de ce sujet là.
Une librairie itinérante qui s’appelle Euréka Street est venue avec une littérature sur le sujet, et une rencontre avec le metteur en scène afin de débattre du sujet. Ce spectacle est emblématique, il a très peu tourné en France, c’était une des premières dates, il a tourné à Marseille, le metteur en scène est belge et il va tourner en France les deux ou trois prochaines années.
Il y a également d’autres lieux qui eux aussi, ont été inspirés par ce temps fort, l’espace Jean Villar la médiathèque de Colombelles qui a accueilli le spectacle : Portrait Poétique de Stéphane Hessel. Le Panta-Théâtre où Véronique Dahuron a fait sa première étape de travail pour son spectacle Broken qui part d’un évènement tragique qu’elle a vécu, la perte d’un œil.
Pour le final Tania’s Paradise, une jeune femme israélienne, contorsionniste parle de sa vie en Israël dans un pays en guerre larvée, tout en se contorsionnant et en racontant avec des petits objets sa vie de jeune fille, sa vie de maman et d’artiste. C’est une petite yourte de 80 personnes que l’on met dans le théâtre, on pousse les gradins. C’est assez intime parce que tout en se contorsionnant, elle nous regarde, elle se raconte, c’est un peu un auto portrait.
Ensuite Flammes, un spectacle évènement, Ahmed Madani est un auteur metteur en scène qui travaille depuis plusieurs années sur les banlieues, il avait créé un spectacle qui s’appelait Illumination en 2013 et qui avait eu vraiment un grand succès à Avignon uniquement avec des hommes de banlieue qu’il avait rencontré pendant plus d’un an et là il a voulu faire le deuxième volet uniquement avec des femmes, des femmes de la banlieue parisienne et de la banlieue nantaise, en fonction de sa résidence, il en met dix sur le plateau. C’est un spectacle qui a un écho considérable parce qu’il est très positif, très lumineux, les filles sont juste exceptionnelles, bourrées d’humour et en même temps elles parlent aussi de leurs difficultés à rentrer dans cette société qui est assez verrouillée et des regards que l’on peut apporter sur ces jeunes filles qu’elles aient le voile ou non, qu’elles viennent de tel endroit ou de tel autre. Il aborde tous ces sujets.
C’est la vie de Mohamed El Khatib qui est un peu un fil rouge à la Renaissance, nous avons accompagné presque toutes ses créations. Moi Corinne Dadat en 2014, Finir en beauté en 2016 qui vient de recevoir le grand prix de la littérature dramatique 2016. C’était sur le deuil de sa mère, le parti pris de Mohamed c’est d’être sur un théâtre du réel et très documentaire. Dans C’est la vie, il part d’une situation très réelle car il met en scène deux personnes : Fanny Catel et Daniel Kenigbe. Tous les deux ont vécu le décès d’un enfant, c’est un sujet certes délicat mais pour ceux qui ont vu Finir en beauté, les gens savent que Mohamed Elcati est là pour prendre du recul par rapport à un sujet tragique, classique d’une certaine façon. Tous ces drames ont été revisités mille fois par la littérature classique mais lui il les traite avec le réel puisque les deux comédiens sont sur scène et ce qui les relie, c’est que les deux ont vécu cela.
Ce sont des projets assez originaux et très intéressants, les spectacles sont très doux, pas larmoyants, ils permettent de prendre du recul vis à vis de certains thèmes. J’imagine que si certaines personnes sont confrontées de très très près à certains sujets, cela peut être délicat.
On est aussi en lien avec deux compagnies régionales, le Collectif Cohue qui met en scène une lecture chez l’habitant, tirée d’une pièce de Dennis Kelly, auteur anglais. On n’en est pas à l’état de spectacle parce qu’il sera créé l’année prochaine chez nous.
L’autre compagnie, c’est le Collectif Ballon vert, leur spécificité c’est de faire du théâtre documentaire radiophonique, ils travaillent dans la rue. lls seront programmés dans les plateaux éphémères de 2017. Ils sont en résidence chez nous, Amélie Clément, la metteure en scène a dérushé des heures et des heures d’entretiens menés par Marguerite Duras qui posait des questions sur le bonheur dans les années 60 à des citoyens lambda, elle a sillonné un peu la Normandie pour aller à la rencontre de cette nouvelle génération en 2016 et poser des questions soulevées par Marguerite Duras, sur le bonheur. Il vont sortir un spectacle, une fiction où ils vont prendre l’essence de tout ce qu’ils ont collecté pour monter une pièce radiophonique qui sera retransmise à la radio.
Et ensuite on a un rendez vous en mai qui s’appelle » Les plateaux éphémères« , ce sera les 3 et 4 juin 2017.
Le reste de l’année, on a six rendez-vous avec l’Orchestre Régional de Normandie et bien sûr, nous accueillons du théâtre, de la danse, de la musique …
On est à vingt cinq spectacles par an, on ouvre aussi par l’intermédiaire de la mairie le lieu pour les associations mondevillaises, les associations locales.
Nous sommes sept à travailler ici, deux à la technique, une à la communication, deux à l’action culturelle, une à la billetterie et une à l’administration comptable.
On a une jauge de 380 à 400 personnes, une des autres spécificités de la Renaissance, avec une programmation assez haut de gamme est la modicité du prix d’entrée, le maximum est de treize euros,même pour des têtes d’affiche comme François Morel. C’est vraiment une volonté politique, après c’est à moi de trouver l’équilibre budgétaire. L’idée c’est vraiment de donner le meilleur, accessible à tous.
C’est moi qui choisit les spectacles, alors Avignon forcément, pendant une semaine, après je suis membre du Chainon Manquant qui est un festival regroupant les programmateurs à Laval et cela a lieu tous les ans,c’est plutôt un festival sur l’émergence, en gros c’est un peu les grands de demain. On se donne aussi cette mission d’accompagner les nouvelles compagnies parce que c’est facile aussi de faire venir François Morel etc, mais il faut aussi donner la possibilité à d’autres personnes de se faire connaitre. Dans l’année, je vais environ une dizaine de fois à Paris, ensuite je vais au festival des musiques du monde à Marseille, au festival Mythos à Rennes, à Jazz sous les Pommiers.
Il y a aussi Bande de sauvages, c’est une association qui fait de la restauration sur le temps fort.
Et à deux ou trois reprises au cours de la saison, nous mettons en place gratuitement une garde d’enfants, les parents peuvent laisser leurs enfants salle des Arcades pendant qu’ils regardent les spectacles.