Légende d’un dormeur éveillé

Un roman passionnant qui redonne vie au poète Robert Desnos

Résumé

Robert Desnos a vécu mille vies – écrivain, critique de cinéma, chroniqueur radio, résistant de la première heure -, sans jamais se départir de sa soif de liberté et d’amour. Pour révéler cette vie, aussi héroïque qu’engagée, Gaëlle Nohant a épousé les pas du poète, des Halles à Montparnasse, non sans quelques détours à Cuba ou à Belle-Ile. Comme si elle avait écouté les battements de son cœur dans l’atelier de la rue Blomet, suivi les séances de spiritisme durant lesquelles il libérait son inconscient, s’était assise aux terrasses du Select ou de la Coupole en compagnie d’Éluard, Man Ray, Picasso ou Garcia Lorca ; avait tressailli en écoutant les anathèmes d’André Breton, fumé l’opium avec Yvonne Georges, son étoile inaccessible, et dansé des nuits entières au Bal nègre aux côtés de Kiki et de Jean-Louis Barrault. Pour ce voyage avec Desnos, elle puise dans la puissance d’évocation de la littérature, citant son œuvre, sondant les âmes en medium et, comme lui, « parlant surréaliste ». S’identifiant à Youki, son grand amour, elle l’accompagne jusqu’au bout du voyage, au camp de Theresienstadt.

Mon avis

Dès les premières pages Légende d’un dormeur éveillé nous happe, Gaëlle Nohant nous entraine dans sa passion pour Robert Desnos. Elle fait revivre avec brio ce poète – surréaliste de la première heure, rêveur, épicurien, généreux, journaliste curieux de tout, résistant – cet homme fidèle aux valeurs auxquelles il croit, l’amour de la liberté, le refus du racisme, méfiant envers les moralistes de tous bords. Aux côtés de Desnos, l’auteur redonne vie à des artistes du monde entier libres et porteurs de grandes idées, nous faisons la connaissance de l’écrivain cubain Alejo Carpentier parti clandestinement de la Havane, nous sommes invités en Espagne chez Pablo Neruda où nous rencontrons Federico Garcia Lorca (assassiné le 19 août1936 par les milices franquistes).

Nous parcourons les lieux emblématique du Paris de l’époque, la Coupole, le Bal Nègre, nous croisons pour notre plus grand plaisir Prévert, Aragon, Éluard, Jean-Louis Barrault et les autres … mais hélas également quelques personnages nauséabonds acquis aux idées pestilentielles qui germent en cette fin des années trente.

Dans la dernière partie, la romancière fait le choix de se glisser dans la peau de Youki le grand amour du poète, pour conter la fin de sa vie, l’arrestation et la déportation de celui qui jusqu’au bout a gardé sa belle intégrité et son humour. Ce parti pris apporte une émotion profonde à la fin de la lecture et nous quittons ce livre à regret, le cœur serré mais avec la satisfaction d’avoir cheminé quelque temps près d’une belle âme.

La rencontre avec le poète est un véritable enchantement, l’auteure parvient à lui donner vie avec une telle intensité que l’on se prend à croire qu’il est toujours parmi nous.

Gaëlle Nohant réussit à intégrer la petite histoire d’un homme, à la grande histoire d’un pays, un travail talentueux qui fait de ce roman à la fois biographique et historique une perle littéraire que l’on souhaite partager. Un roman qui a le don de mettre l’existence entre parenthèses pour nous plonger dans une vie riche et passionnante. Sa plume est fluide et agréable à lire, elle donne vie à ce grand écrivain avec beaucoup de subtilité.

Inutile de préciser que ce roman très puissant est un véritable coup de cœur et Gaëlle Nohant offre tout au long de ce fabuleux portrait des citations qui ne peuvent que donner envie de retrouver l’œuvre du poète.

Ma plume est une aile et sans cesse, soutenu par elle et par son ombre projetée sur le papier, chaque mot se précipite vers la catastrophe ou vers l'apothéose. – Robert Desnos
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Par Maryline Bart, le .

Crédits

Gaëlle Nohant