Rentrée littéraire d’hiver au Phénix

Les coups de cœur de Manon, Mélanie et Grégor

Médiathèque le Phénix

10 rue Elsa Triolet

14460 Colombelles

02 31 72 27 46

Samedi 9 mars 2019

 

Mélanie nous accueille aujourd’hui pour la rentrée littéraire d’hiver au Phénix, avec le concours éclairé de Grégor accompagné pour la première fois de Manon, tous deux sont libraires à la Nouvelle Librairie Guillaume. Comme de coutume, tous les trois nous proposent les ouvrages qui ont retenu leur attention.

En préambule, Grégor nous donne son point de vue sur cette rentrée hivernale. « Cette rentrée littéraire est particulière et offre une prise de risque plus importante pour les éditeurs. En effet, cette année, le livre de Michel Houellebecq prend beaucoup de place et il est donc difficile pour les autres auteurs d’émerger. C’est donc une rentrée où il a fallu aller piocher chez des auteurs que l’on n’attend pas forcément. »

D’où, selon Mélanie, un choix d’auteurs moins connus et, sa réflexion sur la vente en chute libre de certains livres un peu plus exigeants au bénéfice des best-sellers. C’est pourquoi Gallimard revoit sa ligne éditoriale et propose une nouvelle collection Sygne, dans un registre un peu plus accessible et qui va vers de nouveaux auteurs.

Avec plus de cinq cent sorties, il est difficile pour nos libraires de faire une sélection, voici quelques titres qu’ils ont sélectionné.

 

 

Le choix de Manon

 

Après Constantinople. Sophie Van der Linden chez Gallimard

Résumé

Au début du XIXe siècle, un peintre parisien s’égare dans les confins balkaniques de l’Empire ottoman. Il se retrouve prisonnier d’un domaine retranché dans les montagnes et de sa singulière intendante, avec laquelle il noue des conversations qui bouleversent ses certitudes tout en nourrissant ses fantasmes. Dans ce conte à l’action tendue, sensuel et poétique, Sophie Van der Linden joue avec l’esthétique orientaliste pour interroger l’art et la représentation, la place des femmes, notre relation à l’Orient

« J’ai trouvé l’écriture très abordable, les images qui nous sont transmises sont fantastiques. »

 

 

Grace. Paul Lynch chez Albin Michel

Résumé

Irlande, 1845. Par un froid matin d’octobre, alors que la Grande Famine ravage le pays, la jeune Grace est envoyée sur les routes par sa mère pour tenter de trouver du travail et survivre. En quittant son village de Blackmountain camouflée dans des vêtements d’homme, et accompagnée de son petit frère qui la rejoint en secret, l’adolescente entreprend un véritable périple, du Donegal à Limerick, au cœur d’un paysage apocalyptique. Celui d’une terre où chaque être humain est prêt à tuer pour une miette de pain.

« C’est un livre bouleversant du début jusqu’à la fin, on suit cette enfant qui rentre dans ce monde cruel. L’écriture est poétique et magnifique. C’est une odyssée vers la lumière. »

 

 

Sauvage. Jamey Bradbury chez Gallmeister

Résumé

À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Immuablement, elle respecte les trois règles que sa mère, trop tôt disparue, lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue», «ne jamais rentrer avec les mains sales» et surtout «ne jamais faire saigner un humain». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Elle s’interdit de l’avouer à son père, et ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.

« Cette histoire de passion est une très belle fiction, très prenante. »

 

 

La plus précieuse des marchandises. Jean-Claude Grumberg au Seuil

Résumé

Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron. Non non non non, rassurez-vous, ce n’est pas Le Petit Poucet ! Pas du tout.
Moi-même, tout comme vous, je déteste cette histoire ridicule. Où et quand a-t-on vu des parents abandonner leurs enfants faute de pouvoir les nourrir ? Allons… Dans ce grand bois donc, régnaient grande faim et grand froid. Surtout en hiver. En été une chaleur accablante s’abattait sur ce bois et chassait le grand froid. La faim, elle, par contre, était constante, surtout en ces temps où sévissait, autour de ce bois, la guerre mondiale. La guerre mondiale, oui oui oui oui oui.

« C’est un récit sous forme de conte, le croisement de deux destins pendant la seconde guerre mondiale. Un très beau texte bouleversant qui reste en nous. Un récit tout à fait à la portée des ados. »

 

La sélection de Grégor

 

Une femme en contre-jour. Gaëlle Josse chez Noir sur Blanc.

Résumé

« Raconter Vivian Maier, c’est raconter la vie d’une invisible, d’une effacée. Une nurse, une bonne d’enfants. Une photographe de génie qui n’a pas vu la plupart de ses propres photos. Une Américaine d’origine française, arpenteuse inlassable des rues de New York et de Chicago, nostalgique de ses années d’enfance heureuse dans la verte vallée des Hautes-Alpes où elle a rêvé de s’ancrer et de trouver une famille. Son œuvre, pleine d’humanité et d’attention envers les démunis, les perdants du rêve américain, a été retrouvée par hasard – une histoire digne des meilleurs romans – dans des cartons oubliés au fond d’un garde-meubles de la banlieue de Chicago. Vivian Maier venait alors de décéder, à quatre-vingt-trois ans, dans le plus grand anonymat. Elle n’aura pas connu la célébrité, ni l’engouement planétaire qui accompagne aujourd’hui son travail d’artiste. Une vie de solitude, de pauvreté, de lourds secrets familiaux et d’épreuves ; une personnalité complexe et parfois déroutante, un destin qui s’écrit entre la France et l’Amérique. L’histoire d’une femme libre, d’une perdante magnifique, qui a choisi de vivre les yeux grands ouverts. Je vais vous dire cette vie-là, et aussi tout ce qui me relie à elle, dans une troublante correspondance ressentie avec mon travail d’écrivain. » G.J.

« Un livre qui m’a beaucoup plu. L’écriture est sobre et épurée avec des descriptions tout en nuances. »

 

 

Nino dans la nuit. Simon et Capucine Johannin chez Allia.

Résumé

Nino, dix-neuf ans, raconte ses galères pour survivre sans argent à Paris. Amoureux de Lale, il voit son couple menacé par la pauvreté, contre laquelle il essaie coûte que coûte de lutter sans perdre sa volonté de vivre. C’est une vie de débrouille ponctuée de fêtes, celle d’une jeunesse qui cumule les petits boulots et les trafics en tout genre. Les réflexions et observations pleines d’acuité de Nino sur ce qui l’entoure esquissent le portrait d’une génération qui tente de trouver sa place dans un monde où il n’y en a plus, d’envisager un avenir.

« Le récit se passe plutôt dans le monde la nuit, ce sont les errances d’un couple pour manger, se loger, un livre plutôt « rentre dedans » sur la difficulté à vivre quand on n’est pas dans le moule. Un livre plein d’humour, assez provocateur qui croque bien la réalité avec une écriture assez sèche. »

 

 

Clair-obscur. Don Carpenter chez Cambourakis

Résumé

Lorsque Irwin Semple sort de l’asile psychiatrique de Cannon après dix-huit ans d’internement, il a trente-cinq ans, doit refaire – ou plutôt commencer – sa vie, la tête pleine de souvenirs adolescents encore à vif. A force de persévérance, il parvient vaille que vaille à se réinsérer, jusqu’au jour où il croise Harold Hunt, ancien leader d’un clan qu’il rêvait d’intégrer au lycée. Irrémédiablement associée au tragique événement qui a conduit à son internement, la vision de Harold déclenche un nouveau choc chez Semple. Partagé entre son éternel besoin de reconnaissance et un certain désir de vengeance, va-t-il parvenir à passer outre et aller de l’avant ?

« Don Carpenter est un de ces grands écrivains maudits qui ne sont pas reconnus de leur vivant. Un livre très drôle sur le temps qui passe, qui fait ressentir une époque. Il met en scène des personnages qu’il fouille au plus profond puis lâche d’un coup. Un grand écrivain. »

 

 

L’Amérique derrière moi. Erwan Desplanques à L’Olivier

Résumé

Cette année-là, la veille de Noël, le narrateur apprend une bonne et une mauvaise nouvelle.
La bonne nouvelle, c’est qu’il va avoir un enfant. La mauvaise, c’est que son père est atteint d’une tumeur incurable.
L’Amérique derrière moi raconte cette période étrange pendant laquelle l’attente d’un « heureux événement » et l’imminence d’un grand malheur finissent par se confondre.
Le père est un excentrique qui ne jure que par les États-Unis, et se rêve en héros de l’armée américaine: il collectionne les uniformes et les armes, circule en Dodge et porte les chaussettes officielles de la Maison-Blanche.
La mère, bien qu’habituée aux bizarreries de son mari, est sujette à de brusques accès de colère. Tous deux forment un couple passionné, que la mère évoque ainsi: « Ton père et moi, on est un peu comme Richard Burton et Liz Taylor… Sans les diamants. »

« Clin d’œil à Thoreau : Parvenu à l’extrémité du Massachusetts, Thoreau avait écrit : Un homme doit s’asseoir ici et poser toute l’Amérique derrière lui.

C’est un roman assez autobiographique où l’auteur est peu indulgent avec lui-même. Il nous propose un portrait drôle et touchant. »

 

Les propositions de Mélanie

 

Né d’aucune femme. Frank Bouysse à La Manufacture des Livres

Résumé

« Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d’une femme à l’asile.
— Et alors, qu’y-a-t-il d’extraordinaire à cela ? demandai-je.
— Sous sa robe, c’est là que je les ai cachés.
— De quoi parlez-vous ?
— Les cahiers… Ceux de Rose. »

Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin.

« C’est un roman noir qui nous plonge dans la vie des femmes dans une France profonde, miséreuse, taiseuse, une succession de vies sacrifiées. La vie atroce de Rose, esclave à tous les niveaux.  Une très belle histoire, un peu éprouvante à lire car il n’y a jamais de lumière mais avec une très belle écriture. »

 

 

Sérotonine. Michel Houellebecq chez Flammarion

Résumé

Mes croyances sont limitées, mais elles sont violentes. Je crois à la possibilité du royaume restreint. Je crois à l’amour » écrivait récemment Michel Houellebecq. Le narrateur de Sérotonine approuverait sans réserve. Son récit traverse une France qui piétine ses traditions, banalise ses villes, détruit ses campagnes au bord de la révolte. Il raconte sa vie d’ingénieur agronome, son amitié pour un aristocrate agriculteur (un inoubliable personnage de roman, son double inversé), l’échec des idéaux de leur jeunesse, l’espoir peut-être insensé de retrouver une femme perdue. Ce roman sur les ravages d’un monde sans bonté, sans solidarité, aux mutations devenues incontrôlables, est aussi un roman sur le remords et le regret.

« J’ai beaucoup aimé la façon dont il parle de la société aujourd’hui, on peut dire que Houellebecq a tout compris. Il parle de la détresse des agriculteurs, des confrontations avec la police quand ils font des blocages. Si l’on enlève le mot agriculteurs pour le remplacer par gilets jaunes, on est tout à fait dans l’actualité. A part les scènes un peu trash, les scènes de sexe pas vraiment utiles mais Houellebecq est toujours dans la provocation, il garde une certaine lucidité et un regard assez juste et visionnaire de la société. Au-delà d’être un écrivain parisien très médiatisé, c’est quelqu’un qui écrit très bien et qui sait de quoi il parle. »

 

 

À la ligne : Feuillets d’usine. Joseph Ponthus à La Table Ronde

Résumé

À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet. C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer.
Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de boulots comme autant de cyclopes.

« J’ai beaucoup aimé ce roman, c’est une très belle surprise. Ce sont des voix que l’on n’entend pas souvent, une parole donnée aux invisibles. Un très beau témoignage sur le travail à la chaine dont la porte de sortie est l’écriture. Un second roman d’une grande force où l’on voit l’humain apparaître derrière la pression de l’usine. »

 

 

Après Maida. Katherine Dion chez Gallmeister

Résumé

« Quelque chose de certain a été perdu ».
Ce sont les seuls mots qui viennent à Gene pour parler de sa femme, Maida, après sa disparition. Quoi de plus insaisissable que le souvenir d’une personne aimée ? Gene se remémore leur rencontre, leur mariage, les étés joyeux près du lac, avec leurs amis de toujours Ed et Gayle, dans des maisons traversées de rires et d’enfants. Sur les photos, Maida est toujours radieuse.
Mais étaient-ils vraiment heureux ? Quel est ce lien qui les a unis pendant près de cinquante ans de mariage ? Étonnamment, c’est parce qu’il se tourne vers le passé que surgit pour Gene une possibilité de renouveau. Mais, pour réapprendre à vivre, il lui faudra changer de regard sur ses proches et savoir saisir sa chance.

« Un premier roman, roman américain où la nature est très présente. Une belle histoire d’amour avec de beaux personnage sur « comment gérer l’absence ». Un beau roman sur le deuil, très bien écrit et très bien traduit, avec une description très cinématographique. »

 

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Par Maryline Bart, le .

Crédits

Médiathèque Le Phénix

Maryline Bart