David Desclos

Le droit chemin après quelques détours

David au Théâtre du Gymnase, David au Palais des Glaces, David à Bobino mais David Desclos est aussi passé par le Cargo.

Le Cargo c’est à Caen, une ville normande à la saveur particulière pour cet ancien « bandit ». Il y a séjourné, il y a quelques années déjà mais à cette époque, ce n’était ni au Cargo ni Chez Marcel où nous nous retrouvons. Mais dans un lieu qu’il connait bien, parmi des personnes qui lui sont familières et devant lesquelles il a présenté son spectacle.

Non sa villégiature d’alors, après qu’il eût tenté de visiter une banque et fait une brève incursion dans les égouts, c’était plutôt la Maison d’arrêt. Mais je lui laisse la parole pour qu’il nous parle de son histoire si peu banale et de sa raison d’être sur scène dans une histoire vraie (la sienne) « Écroué de rire » mise en scène par Stomy Bugsy.

Je vous laisse la parole David.

Je suis David Desclos, un ancien bandit sans armes et sans violence, condamné à plusieurs années de détention, j’ai fait dix ans de prison en tout dans ma vie et là-bas j’ai décidé de faire en sorte que ce temps soit utile, j’y ai écrit ma vie avec humour et dérision, et aussi beaucoup de messages.

Tellement de messages que le ministère de la justice est venu voir le spectacle, qu’il l’a acheté et il se joue dans les prisons en France, pour la protection judiciaire de la jeunesse mais aussi dans des théâtres de plus en plus beaux, dans des salles de plus en plus belles.

 

Cela n’a pas dû se faire du jour au lendemain ?

Non, cela n’a pas été facile facile et cela ne l’est toujours pas, cela a été très difficile d’apporter cette idée sur Paris. C’est quelque chose qui n’a jamais été fait, ce n’est pas du Stand up, ce n’est pas du One man show, ce n’est pas du Sketch, j’appelle cela Conteur avec humour et dérision avec beaucoup de messages à faire passer.

Donc arriver sur Paris, faire des scènes ouvertes, raconter sur scène ma vraie évasion, raconter les cambriolages, au début je suis pris pour un fou. Les gens disent « Qu’est ce que c’est que ce fou qui raconte cela, il fait l’apologie du crime, il fait l’apologie des cambriolages ! » 

En fait ils ne savent pas que derrière il y a tout un message et ils ne me laissent pas terminer, donc je suis jeté à chaque fois jusqu’à ce que je fasse les bonnes rencontres, le Théâtre du gymnase , Véronique Guimard de Talent +, Stomy Bugsy, Akd production, plein de personnes qui ont détecté, qui ont compris qu’il y avait quelque chose et qui m’ont laissé ma chance. Grâce à eux tout a pris forme, le spectacle se joue de plus en plus dans les villes de France, on a fait un super festival d’Avignon, on a fait des maisons d’arrêt partout en France, ils ont compris que ce spectacle est rempli de messages.

 

Vous pouvez me parler de ce message.

Plus qu’un spectacle, c’est un message pour tout le monde, les femmes, les enfants, les papas, les mamans, les grands-parents, tout le monde, toute la société est touchée par le fléau de la délinquance, le banditisme…

L’idée c’est de sauver des jeunes, en une heure quinze de spectacle j’essaie de faire comprendre ce que j’ai compris en vingt ans. En revenant un petit peu sur ma vie, en racontant ma cavale, mon évasion, les années de prison et comment j’ai fait pour en sortir.

 

C’était quoi cette vie ?

L’enfance dans le quartier, des quartiers difficiles de Caen,  une enfance difficile avec les problèmes d’alcool du père, livrés à nous mêmes, très pauvres … Ce n’est peut-être pas une excuse, il y avait des aussi pauvres que nous qui ont travaillé, ils ont peut-être été mieux conseillés à l’époque. Nous, on était une bande de jeunes, on vivait tous la même chose, la pauvreté, on trainait un peu partout. Un premier quartier d’abord et puis un autre où là un groupe s’est formé, où les anciens ont drainé les nouveaux, ils nous expliquait la vie … On était les gavroches d’après guerre, on a appris à voler en filouterie, le vol à l’étalage,  on se débrouillait pour manger, pour s’habiller, et puis l’escalade de vol en vol, de cambriole en cambriole, les deals de shit dans le quartier … enfin tout ce que l’on peut trouver dans les quartiers et moi très vite je me suis spécialisé dans la neutralisation des systèmes d’alarme

J’ai appris dans des bureaux de tabac … mais très vite je voulais m’orienter, je ne voulais pas cambrioler les particuliers parce que pour moi quand les particuliers se font cambrioler, ils le vivent comme un viol, c’est l’intimité des gens. Donc je voulais m’attaquer à l’état, aux banques, c’est eux qui avaient mis nos parent dans l’alcool et puis c’est là qu’il y avait l’argent donc voilà j’ai appris à neutraliser les alarmes. Et puis de banques en banques, l’escalade s’est faite avec des années de prison comme mineur et à chaque fois, sortir de prison en se disant la prochaine fois je serai plus malin, ils ne m’attraperont pas. Effectivement je suis resté un moment sans me faire attraper, j’étais un peu la bête noire des policiers, on avait notre gang, le gang de la Pierre Heuzé, les policiers nous voulaient, jusqu’au dernier gros coup, le coup de trop.

 

 

Il se passe quoi à ce moment là ?

En 1998 période de noël, on a creusé pendant quatre mois un tunnel dans les égouts jusqu’à une banque, c’était le siège social de la Société Générale. On est arrivé au mur de la banque, pour un petit détail de notre part, on s’est fait attraper à deux. Arrivés en garde à vue, ils nous ont comparé à Spaggiari et de là j’arrive à m’évader, je fais un an de cavale, l’Espagne, la Suisse, la Belgique et au bout d’un an de cavale, je décide de me rendre de moi même.J’ai le déclic, je décide de faire quelque chose de bien de ma vie et je me rends, je suis fortement condamné, huit ans de prison, et en prison je fais rire tout le monde pendant la promenade. C’est là je vois qu’il y a quelque chose à faire avec mon histoire.

 

Et vous en avez fait quelque chose de bien .

Ce n’est pas une histoire banale et je me mets à écrire, j’écris beaucoup  sur la prison, mon passé, je tourne tout en dérision, je m’entraine sur mes collègues de promenade, je les faire rire et quand je sors, je fais mes premières scènes ouvertes à Paris.

On me prend pour un fou mais je sais qu’il y a quelque chose derrière, c’est plus qu’un spectacle, c’est un message et j’y crois, je continue et  je fais ces bonnes rencontres qui sont le Théâtre du gymnase, Véronique Guimard de Talent Plus, Stomy Bugsy, je fais ces rencontres qui croient en moi, qui m’aident à pousser l’idée encore plus loin et on la travaille.

Medhi de la production judiciaire du Ministère de la Jeunesse vient voir le spectacle, le spectacle se vend au Ministère de la Justice et on se retrouve à le jouer dans les prisons et c’est fort.

Et là tout s’enchaine, des dates, Avignon … On le travaille de plus en plus et plus il est travaillé plus il prend de la forme et ça fait boule de neige, ce soir nous sommes au Cargo, on prépare le Palais des Glaces, Bobino. On a fait de belles rencontres, en production … Cela fait bloc, la machine est enclenchée et j’ai l’impression d’être sur un nuage. Je me rend compte que l’idée était bonne, que j’ai bien fait d’y croire et de m’accrocher. On ne sait pas jusqu’au cela ira mais on envoie, on a une série en préparation, un livre…

 

Une pensée pour quelqu’un en particulier ?

Une grande pensée à ma femme qui pendant toutes ces années de prison m’a attendu et qui est avec moi maintenant, mes trois enfants, mes parents, tout le monde, tout ceux qui ont cru en moi. Il y a des messages pour tout le monde dans ce spectacle, c’est une histoire avec des messages pour tout le monde y compris pour les éducateurs qui ont envie de baisser les bras parfois. Moi le plus beau retour c’est quand les jeunes me disent :  » Merci de m’avoir fait comprendre tout cela. »

Voilà je garde les pieds sur terre, je continue de travailler, je suis entouré d’une belle équipe, on va tout faire, on veut envoyer cela le plus loin possible.

 

Cet après-midi était un moment particulier pour vous avant le Cargo qui affiche complet ce soir ?

Oui, un après-midi très fort en émotions, nous sortons de la maison d’arrêt de Caen où j’ai fait sept ans de prison quand même. J’ai été reçu par le directeur, les surveillants de prison, tout le monde a joué le jeu, tout le monde adhère, on a eu un super retour avec les jeunes.

 

Caen vous connaissez bien ?

Oui je suis originaire de Caen, mes grands parents viennent de Tonneauville, j’ai habité la Grace de Dieu, la Pierre Heuzé, on vient vraiment d’en bas et j’essaie de me sortir de tout ça pour ne pas que mes enfants le vivent.

 

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Par Maryline Bart, le .

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