Ecole du One Man Show

Rencontre avec Alexandre Delimoges directeur de l'école

Ecole du One Man show

Théâtre Le Bout

6 rue Frochot

75009 Paris

01 53 16 38 27

One Man Show

 

L’école du One Man Show a été créée en 1993. Jusqu’à cette époque là, on était soit comédien classique avec un petit penchant pour l’humour, soit humoriste mais dans les deux cas il n’y avait pas de possibilité de cours. L’idée de cette école est donc née du constat d’un manque de formation spécifique pour les humoristes et de la volonté de trois personnes de remédier à cela, William Pasquiet comédien, Sylvie Joly metteure en scène très en vue alors et la directrice du Point Virgule qui accueillait les cours. Victime de son succès, l’école a dû avoir son lieu propre  qui est devenu le Théâtre Le Bout (dans le IXème arrondissement) en 1997.

Alexandre Delimoges, directeur de l’école, nous parle sans détour de ce que l’on y enseigne et du métier.

On y enseigne de la manière la plus classique qui soit le travail de jeu, de sincérité, de force de conviction. On pense et on ressent ce qu’on dit, méthode classique et technique aussi, vocale, corporelle, diction mais en plus on y ajoute tout ce qui est spécifique à l’humour, donc une rythmique particulière, un sens de l’écoute. Et puis évidemment le texte puisque ce que l’on n’enseigne pas dans les cours traditionnels c’est écrire. On apprend à maitriser la technique d’écriture et tout ce qui fait la dramaturgie du sketch, un début, un milieu, une fin, un seul sujet qu’on doit exploiter pendant cinq minutes par exemple, il faut donc clarté, rythmique là aussi et humour.

Tous les profs sont d’ailleurs des comédiens classiques au départ, soit ils pratiquent le One Man Show, soit ils sont auteurs pour la télévision.Chacun enseigne sa spécificité. Et cela se finit toujours en juin par des représentations publiques plus ou moins importantes, nous sommes entre le Point Virgule, Les Blancs Manteaux et la Comédie de Paris. À ce moment là, les élèves sont filmés par trois caméras, et sortent avec une petite vidéo qui leur servira de CV.

 

Quel est ta spécificité ?

Moi je travaille sur l’insertion professionnelle d’humoristes. Je donne des cours sur les contrats, les festivals, comment commencer, dans quel ordre, choisir ses salles, avoir un producteur ou pas, créer un dossier de presse …. Nous parlons de communication, de visuel, de montage de dossiers, d’avoir des One intéressants. Et qui parfois ne le sont pas…

Est-ce que je n’ai pas transmis, est ce qu’ils n’ont pas compris, est ce qu’ils n’ont rien à dire ? En tout cas on fait au mieux notre boulot pour les suivre vraiment de A à Z. 

Mes cours sont plutôt théorique, c’est moi qui donne le moins de cours. Je m’occupe davantage de suivre les profs et ensuite les profs suivent leurs élèves.

Comment peut-on entrer à l’école ?

L’entrée à l’école se fait sur audition où il y a à peu près 25% de rejet mais pas plus que ça. Les rejets se font plutôt en cours d’année et à la fin de l’année. Tous les trimestres, nous avons une grille d’évaluation avec des bilans de compétences, chaque trimestre, on renseigne tout. Si cela ne marche pas, on doit arrêter. Et puis parfois, ils comprennent aussi, ils arrêtent d’eux mêmes ou ils comprennent que notre formation ne leur convient pas. Nous pouvons aussi nous être en échec. Tout est possible.

Mais ils ne sont pas tout d’un coup lâchés comme ça, s’ils sont présents la deuxième année, ils intègrent forcément un spectacle qui s’appelle le Big Show, qui se joue deux fois par semaine toute l’année et qui couronne chaque soir le meilleur de la soirée. Ils sont huit en concours et ils remettent en jeu leur titre on va dire, chaque semaine. Cela permet de roder et faire face surtout à l’insuccès en permanence, ce qui apprend beaucoup. Je ne suis pas sadique mais on les confronte à la réalité en permanence avec un petit retour. Moi je préfère qu’ils rodent chez nous avec l’œil vigilant d’un coach qui est là plutôt qu’ils aillent dans toutes les scènes ouvertes qui ont des niveaux parfois si bas qu’ils vont avoir l’impression d’être des stars et attendre le « Graal ».

Est ce que ces scènes ouvertes ne mettent pas à mal l’idée du One Man Show ?

Si bien sûr et c’est vraiment la télé réalité qui donne cette impression que tout est facile, et puis on a tellement un manque d’espoir dans cette société que on se dit pourquoi pas ça après tout. Il y a vingt ans, on n’osait pas, il fallait affronter sa famille pour faire du One Man Show, aujourd’hui ce sont les parents qui amènent  leurs enfants en disant mon fils est génial. Alors évidemment qu’on peut tenter le coup mais les scènes ouvertes, oui c’est très bien pour tester des trucs, se roder mais surtout pas pour percer. On ne va pas espérer créer la surprise, marquer le coup auprès des pros quand on teste quelque chose, parfois ils ont leur texte en main, on est dans l’amateurisme total. Pas toutes les scènes ouvertes, je fais un cours dessus, lesquelles faire au début, lesquelles faire au milieu, lesquelles faire après… C’est bien pour s’exprimer on va dire, pour apprendre le métier, très peu.

Qu’est ce qui fait un bon humoriste ?

Un bon humoriste c’est quelqu’un qui techniquement est bon dans ces trois matières : la technique,  on le comprend bien, il articule, il sait utiliser son corps pour exprimer des choses,  il va être bon pour intéresser le public à son discours et puis qui écrit bien, donc des sujets intéressants. La ténacité est importante aussi car il ne se passe rien avant trois, cinq ou huit ans dans ce métier et j’ajouterai le talent qui est primordial sauf qu’au départ on n’en sait rien .

Les gens les moins doués au départ sont souvent ceux qui travaillent le plus, comme dans la vie. On se bat beaucoup quand on n’a pas beaucoup de cartes en mains ou quand elles sont cachées au fond de notre sac alors que les gens les plus doués ont eu souvent beaucoup de facilité pour tout. Ils sont doués pour le One Man Show, pour faire l’animation, pour faire les chefs de groupe, pour être les beaux gosses et souvent ils ne travaillent pas donc ils sont très vite rattrapés par les gens moins doués et c’est une très belle leçon de vie. C’est la règle des trois T,Travail,Ténacité,Talent .

Baptiste Lecaplain dans l’humour en est un exemple, Bérangère Krief  qui a été élève à l’école, est quelqu’un qui a beaucoup de talent dès le départ. Elle est arrivée à l’école, elle était déjà d’une richesse multicolore, bosseuse comme c’est pas possible. Je l’ai eu deux ans en cours, une indication ne se redisait jamais deux fois, une bosseuse de folie, intelligente, tenace, talentueuse et travailleuse. Baptiste c’est la même chose, c’est quelqu’un qui bosse son texte au millimètre, c’est une partition musicale, il n’y a pas un dixième de seconde qui passe au hasard mais c’est rare tout de même un talent qui bosse comme un dingue.

Anne Cangelosi

Nous avons rencontré Anne Cangelosi qui est professeur également ?

Elle est passée d’élève à prof avec quelques années entre les deux, de boulot, d’expérience.

Elle nous disait qu’elle adorait donner des cours, transmettre.

C’est le dragon de l’école, elle se définit comme ça mais je pense qu’il y a pire, il y a moi mais il y en a d’autres.

Et elle nous disait aussi, qu’en temps que prof, vous ne mentez pas sur les difficultés.

C’est vrai, chaque prof a sa méthode. Elle, elle ne leur ment pas du tout, moi je trouve qu’elle devrait leur mentir un petit peu plus, au moins les six premiers mois. Je veux dire qu’ils s’engagent pour un an et leur formation va durer deux ou trois ans donc de toute façon ils vont être face à la réalité en permanence, mais Anne a une très forte expérience. Grâce à son personnage de Mémé Casse Bonbons, elle tourne tout le temps partout, dans toutes les conditions et elle est particulièrement tenace. C’est à dire qu’elle a aussi joué devant trois personnes, dans des halls où personne n’écoute, dans des soirées achetées par des entreprises avec des gens bourrés. Je crois qu’elle a eu les pires conditions possibles et qu’elle a vu tous les cas de figure.

Mais il ne faut pas tout leur dire au début, leur dire qu’ils vont se faire avoir par des producteurs et tout ce qui peut être négatif, cela ne sert à rien au début. La deuxième année on travaille là-dessus.

C’est un monde de requins mais pas que, on s’entraide aussi entre gens qui ne sont pas des requins. Au Bout, ce n’est vraiment pas ça, ce sont des gens qui adorent transmettre, les comédiens qui sont là donnent encore beaucoup quinze ans plus tard et Anne fait partie de ceux-là. Il y a des familles qui se créent comme ça,

Il y en a qui pensent qu’il faut tout écraser pour faire sa place, mais ce n’est pas du tout notre philosophie. Parce que les meilleurs ont tous leur place donc la philosophie c’est plus d’écraser les autres involontairement par une quantité de travail fourni. Il faut savoir dans quelle famille on est, les gens fidèles, les gens qui ne mentent pas, les gens qui s’entraident, les gens qui se donnent des conseils et qui ont envie d’avancer de cette façon là.

Partager sur :
Par Maryline Bart, le .

Crédits

Droits réservés

Jacques Bousiquier